Quelques instants hors du temps ce week-end, un peu de poésie, de délicatesse, portée par la beauté et la pureté de ce concerto...
La virtuosité du jeune pianiste Adam Laloum (que je découvrais à cette occasion) se déploie à travers les 4 mouvements aux multiples couleurs , qui mettent aussi en valeur la qualité de l'orchestre symphonique de Tours, cor, violoncelle, hautbois... un bel équilibre qui invite à la rêverie... photos
La même oeuvre mais avec un autre orchestre pour prolonger l'instant du concert:
Johannes Brahms
Concerto pour piano et orchestre n°2 en si bémol majeur, op. 83
Adam Laloum, piano
Richard Strauss : Mort et transfiguration, op. 24
Maurice Ravel : La Valse.
Jean-Yves Ossonce, direction
Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours
Un concert à la présentation qui fait hélas écho à notre actualité
Pour son retour attendu, Adam Laloum a choisi le second Concerto
de Brahms, à la fois grandiose dans ses dimensions et intime dans ses
émotions et dialogues, qui en font aussi une oeuvre de grande musique de
chambre.
Encore jeune artiste, Richard Strauss livre une
méditation symphonique d’une surprenante maturité sur la mort et
l’au-delà, qui brasse toutes les ressources du romantisme finissant.
Trente
ans plus tard, de notre côté du Rhin, c’est Ravel, revenu de la guerre,
qui rend hommage à la valse viennoise en 1919. Hommage inquiétant,
d’abord affectueux et distancié, suite de valses parsemées de citations,
puis d’inquiétude, de rafales d’un vent glacé, avant de tourbillonner
puis de se disloquer, dans une géniale métaphore du fracas et de
l’explosion de la première guerre mondiale, qui scellait la fin du
XIXème siècle.
De Vienne en 1881 à l’Europe en lambeaux de 1920, quarante années de mutation, ou comment la barbarie peut détruire le monde.
Adam Laloum, le poète des
pianistes français et certainement le plus méditatifs d’entre tous fait
l’affiche de ce concert prometteur : on sait jusqu’à quels piani
introspectifs le chef Jean-Yves Ossonce aime conduire son orchestre
tourangeau : telle capacité allusive, jouant sur le murmure timbré,
mettant en avant la couleur des instruments exposés, s’est entendue
précédemment dans des Tchaïkovski pour nous devenus mémorables. La
combinaison du pianiste déjà invité à Tours et du maestro sur la scène
de l’Opéra pouvait nous laissait espérer l’impossible.
Or l’alchimie a bien eu lieu … et le jeu
miroitant, diaphane, ciselé, d’une tendresse enfantine et amoureuse
surtout dans l’Andante du jeune pianiste français s’est déployé sans
masque si ce n’est celui assumé de la pudeur. Tout le Concerto pour
piano n°2 de Brahms d’une ampleur symphonique affirmée (avec ses 4
mouvements), laisse pourtant le chant du clavier s’épanouir, entre la
tragédie sombre à peine voilée, la digression facétieuse (en particulier
dans le dernier mouvement grazioso où scintille les motifs populaires,
rythmes hongrois réservés aux cordes), et au cœur de la sensibilité
brahmsienne, une hypersensibilité affective qui est la clé de cette
noblesse qui retourne toujours à l’intime et à la pudeur blessée.
L’agilité faune, la versatilité dynamique, la caresse du piano d’Adam
Laloum font le miel d’une soirée d’une très haute musicalité à Tours où
chaque mouvement berce par une sincérité de ton qui d’un épisode à
l’autre, rétablit la grande cohérence du cycle dans son entier.
On sait gré au chef de nous servir avec
une finesse d’élocution ténue, l’admirable combinaison de certains
timbres appareillés (cor évidemment, hautbois, sans omettre le
violoncelle au début et à la fin de l’Andante qui respire alors au
diapason du clavier complice : mêmes vibrations accordées entre les deux
instruments. Un très grand moment de plénitude … purement musicale
(pour plaire au critique Eduard Hanslick, défenseur acharné et souvent
partisan de Brahms). Le piano enivré, extatique, parfois rugissant
d’Adam Laloum s’accorde à l’engagement du chef. Ce Brahms ambivalent, à
la fois solaire et crépusculaire, combinant la ténèbre et la grâce
lumineuse ressuscite ainsi en un acte d’une complicité accomplie.